Peut-on être licencié en raison de son mariage ? Cela pourra vous surprendre mais cela s’est produit, pour un salarié de CHANEL. La société reprochait à ce salarié contrôleur de gestion d’avoir épousé une ancienne salariée de l’entreprise, qui avait fait l’objet elle aussi d’un licenciement quelques années plus tôt (et qui était en contentieux avec CHANEL)
Pour l’employeur, la situation matrimoniale du salarié était en rapport avec ses fonctions et était susceptible d’influer sur leur exercice, au détriment de l’intérêt de l’entreprise, puisqu’il existait un différend judiciaire entre la société et son épouse,
La société a donc reproché à ce contrôleur de gestion, qui avait accès à des documents confidentiels, d’avoir dissimulé son mariage avec cette personne, et lui a également reproché d’avoir manqué de loyauté (obligation contractuelle), cette situation entraînant un conflit d’intérêts.
Le salarié contesta ce licenciement, en invoquant le droit au respect de la vie privée et fait que ce mariage constituait un fait issu de sa vie personnelle. Il s’agit même pour lui d’une situation de nullité du licenciement.
Il est vrai que l’arsenal juridique à la disposition du salarié pour ce défendre est impressionnant : les articles 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, L. 1121-1, L. 1331-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail , qui expliquent qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Effectivement, le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée.
La Cour d’appel valide le licenciement
Mais les choses ne se passent pas comme prévu : la Cour d’Appel de Versailles rejette sa demande dans un arrêt du 30 mai 2024 et juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel considère que le contrôleur de gestion a menti, puisqu’il a même été jusqu’à affirmer que sa femme travaillait chez un concurrent, Hermès. La Cour justifie également sa décision par le fait que le contrat du salarié qui indique qu’il doit tenir l’employeur informé de sa situation familiale.
Pour la Cour : » le salarié devait informer son employeur d’un risque possible de conflit d’intérêts du fait de son lien matrimonial avec Mme [T], ancienne salariée ayant un différend judiciaire avec l’employeur, son niveau hiérarchique, ses responsabilités et ses missions de contrôle interne exigeant transparence, exemplarité, loyauté, de sorte que son comportement avait provoqué un doute légitime sur sa loyauté ».
Mais la Cour de cassation dit non
Pour la Cour de cassation, Il n’était pas du tout constaté, établi ou démontré que que cette situation de mariage était susceptible d’influer véritablement sur les fonctions du salarié, au détriment de l’intérêt de l’entreprise.
De plus, le salarié n’était pas tenu, peu important la clause de son contrat de travail l’obligeant à faire connaître tout changement intervenu dans sa situation familiale, d’informer son employeur de sa situation matrimoniale.
La décision de la Cour d’appel est donc cassée et le salarié va obtenir gain de cause, éventuellement sa réintégration, puisqu’il s’agit d’une nullité du licenciement… A suivre..
Source : Cassation sociale 10 décembre 2025, n°24-17.316. Yves Nicol avocat Lyon droit du travail décembre 2025