Demander à Mohamed de se faire appeler Laurent

Le 1er mars est la journée zéro discrimination instituée par l’ONU et c’est aujourd’hui.

C’est l’occasion de ressortir un cas d’école, qui avait beaucoup fait parler il y a quelques années, mais toujours d’actualité : en entreprise, peut-on demander à un salarié prénommé Mohamed, de se faire appeler Laurent ?  Ceci constitue-t-il une discrimination ?

Dans cette affaire authentique, les faits se déroulaient dans une maison de retraite et il avait été demandé au salarié, lors de son embauche, de se faire appeler Laurent par les résidents. Pendant deux ans, Mohamed s’est fait appeler Laurent et en apparence cela n’a pas posé de difficulté.

Mais deux ans plus tard, l’intéressé a demandé à son employeur de reprendre son prénom : Mohamed. Et c’est là que les difficultés sont apparues et que l’affaire a commencé…Le salarié a demandé une réparation en justice et formulé une demande de dommages et intérêts pour discrimination.

La Cour d’appel déboute le salarié dans un premier temps

Dans un premier temps, la Cour d’appel a rejeté la demande du salarié et donné raison à l’employeur, qui démontra qu’au moment de l’embauche, quatre salariés se prénommaient déjà Mohamed. Cette situation ne pouvait qu’entraîner une confusion auprès des résidents, souvent âgés, et c’était donc pour cette raison qu’il il avait demandé à Mohamed de devenir Laurent. Pour la Cour d’appel, cet argument était recevable, d’autant plus que le salarié avait, lors de son embauche accepté l’usage d’un autre prénom pour les seuls besoins de son activité professionnelle. Pour comprendre la situation en droit à ce stade, il faut s’intéresser à l’article L.1134-1 du Code du travail. Si le salarié demandeur doit en premier lieu présenter au juge des éléments de fait « laissant supposer l’existence d’une discrimination », l’employeur en défense doit quant  lui prouver que sa décision est « justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Vu sous cet angle, l’idée d’une discrimination semblait donc s’éloigner.

La Cour de cassation dit non

Mais la Cour de Cassation dit non et juge que le fait de demander au salarié de changer son prénom de Mohamed , emblématique d’une religion, est de nature à constituer une discrimination. La pluralité de salariés portant le même prénom au sein de l’entreprise ne constitue pas un élément objectif suffisant permettant de justifier valablement la discrimination en raison de l’origine du salarié. Les arguments avancés par l’employeur ne constituent pas les éléments objectifs suffisants et il s’agit donc d’une discrimination.

 »Source : Yves Nicol avocat Lyon droit du travail. mars 2024 Cassation sociale 10/11/09, n° 08-42.286

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