Peut-on faire l’objet d’un licenciement décidé par une intelligence artificielle ? Oui aux Etats-Unis, non en France, en tout cas pas cette année. Ou alors il faudra rajouter quelques lignes de code…
On se souvient que divers médias américains avaient rapporté en détail il y a un moment le licenciement de 60 salariés de FACEBOOK, en poste chez son prestataire texan ACCENTURE. Ces salariés avaient appris leur licenciement par visio-conférence, ainsi que leur sélection algorithmique par une IA.
Le programme qui les avait choisis pour être licenciés était destiné à réduire les coûts. Ce programme avait été mis en place depuis la présentation officielle des résultats décevants de META (FACEBOOK). L’IA avait ensuite été sollicitée pour décider des mesure à mettre en oeuvre. Et ces licenciements en faisaient partie.
L’humain se cachait donc tout de même derrière une décision prise par une IA. Mais dans un futur dystopique, l’IA décidera peut-être toute seule…
Aux états-Unis, ce n’était pas la première fois qu’une IA licenciait des salariés, il y avait déjà eu des précédents.
Mais c’était un peu avant la popularisation récente et l’ampleur de l’utilisation de chapGPT…Or, aujourd’hui, plus que jamais, l’utilisation de l’IA se développe.
Elon Musk patron de Tesla et fondateur de SpaceX a annoncé officiellement il ya quelques jours lever 1 milliard de dollars dans la course à l’IA. Ceci en riposte à OpenAI, inventeur de chatGPT.
On peut aussi mentionner GEMINI, la nouvelle réponse de de Google à OpenAI, capable d’analyser en temps réel du texte ou des videos, mais aussi de résoudre des problèmes mathématiques très complexes..
Alors, la mise en oeuvre d’un licenciement par l’IA ne semble pas très insurmontable…
Surtout que dans le même temps, le secteur de la Tech rencontre des difficultés. Spotify, n°1 des plates-formes audio vient d’annoncer le licenciement de 1500 personnes. Aux USA, Meta et Microsoft ont annoncé des plans de réduction d’au moins 10 000 personnes. En janvier dernier Amazon avait annoncé la suppression de 18 000 postes et Alphabet, la maison mère de Google, environ 12 000 postes… Or, la Tech constitue en général un terrain favorable aux expérimentations.
Et l’utilisation de l’IA en FRANCE pour des licenciements ?
Pas pour tout de suite.
En France, lorsque le licenciement est décidé pour un motif personnel, l’employeur doit fonder son licenciement sur une cause réelle (c’est à dire démontrer la réalité concrète de ce qu’il reproche) et sérieuse (c’est à dire un motif suffisamment grave). Un motif personnel est lié à la personne et à la façon dont cette personne exécute son contrat de travail. Il faut formuler et argumenter les griefs en se basant sur le réel. Difficile à concevoir et à formuler pour une IA.
Lorsque le licenciement est fondé sur une cause économique, la cause du licenciement est externe au salarié. C’est alors la situation économique de l’entreprise, ses difficultés, ou encire une réorganisation qui sont à l’origine d’une suppression de poste.
En principe, une IA pourrait sans difficulté se charger de trouver les variable d’ajustement, en particulier les licenciements économiques les plus pertinents pour réduire les coûts et également définir et mettre en oeuvre le plan.
Oui mais en France, la volonté d’améliorer la profitabilité ou la volonté de rassurer les marchés ne constituent pas un motif économique valable et suffisant, même si, sur plan de la gestion d’entreprise, cela peut se comprendre.
L’employeur doit en premier lieu démontrer les risques qui pèsent sur l’entreprise ou son avenir, démontrer et quantifier les difficultés économiques présentes ou prévisibles.
Tout ceci doit se démontrer par des chiffres et des faits : dégradation du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, dégradation de l’Excédent brut d’exploitation ou de la trésorerie…baisse significative des commandes…etc
Le Code du travail , article L.1233-3 est précis et quantifie cette baisse .
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus»).
Ensuite, il y a bien sûr la proportionnalité de la mesure prise a regard de la situation, et de l’ampleur de la dégradation des résultats.
Mais surtout, l’employeur doit d’abord envisager sérieusement un reclassement dans l’entreprise et dans le groupe et démontrer avoir procédé à des recherches, effectué des propositions de reclassements, écrites, précises et personnalisées…
Ensuite, puis il doit respecter des critères d’ordre, emploi par emploi (ancienneté, situation de famille…etc). Cela peut aboutir à conserver les personnes qu’on voulait voir partir et à licencier celles qu’on voulait conserver…
Evidemment, on peut penser que tout ceci pourra se gérer dans le futur par une IA, pourquoi pas…
Ensuite, dans un licenciement économique important, en France, l’employeur doit impérativement mettre en oeuvre une procédure spécifique de Plan de Sauvegarde de l’ Emploi (PSE) avec les représentant du personnel et avec le contrôle de l’Etat (DREETS). Or, la négociation d’un PSE et les ajustements inévitables pourrait difficilement se faire entre des représentants du personnel ou syndicaux d’une part et une IA d’autre part….
Donc, pour résumer, le licenciement par une IA ne se produira pas à court terme en France.
Source : Yves NICOL avocat Lyon droit du travail Décembre 2023