
Un employeur peut-il filmer et enregistrer les faits et gestes du salarié sur le lieu de travail ? Et peut il utiliser un enregistrement video pour justifier un licenciement ? Par exemple pour prouver un vol ?
Pour résumer très simplement : si le dispositif de surveillance est clandestin, l’enregistrement ou les bandes vidéo ne seront pas admises comme preuve. Le dispositif de surveillance est alors considéré comme déloyal.
Le pouvoir de direction de l’employeur implique le contrôle et la surveillance du personnel pendant le temps de travail, ce qui est normal. D’autant plus qu’il peut y avoir des préoccupation de sécurité sur le lieu de travail. Mais l’employeur peut-il installer un dispositif de surveillance (type video, informatique…etc) sans informer le personnel ?
Une décision de justice très récente (Cassation sociale 23 juin 2021) nous donne de nouvelles réponses.
Un enregistrement est il une preuve?
Le Code du travail édicte comme règle (articles L.1221-9 et L.2323-32 ) que l’existence d’un procédé de surveillance des salariés (ex : video surveillance) doit être porté à leurs connaissance préalablement, faute de quoi, il n’aura pas valeur de preuve recevable.
Le principe est donc que l’employeur ne peut pas enregistrer ou filmer un salarié à son insu dans un lieu de travail. Il doit obligatoirement porter à la connaissance du personnel la mise en oeuvre d’un dispositif de surveillance (ex : surveillance vidéo) pour pouvoir l’utiliser ensuite comme preuve.
Le Comité d’entreprise doit aussi être préalablement informé
Le Comité d’entreprise doit être informé et consulté préalablement à la décision de mise en oeuvre d’un dispositif de surveillance des salariés, qu’il s’agisse de vidéo surveillance ou de surveillance informatique.(Article L.2323-32 du Code du travail)
Une nouvelle décision de justice
Une décision de la Cour de cassation en date du 23 juin 2021 donne un éclairage supplémentaire. Dans cette affaire, il s’agissait d’une restaurant. Le cuisinier, seul en cuisine était filmé et avait été informé de l’existence d’un dispositif de surveillance. En effet, l’employeur le surveillait car il lui reprochait des manquements aux règles d’hygiène et sécurité et le non respect de ses horaires. Il avait été plus tard licencié et les vidéos avaient servi de preuve.
Mais pour la Cour de Cassation, le dispositif de surveillance était excessif. La Cour considère qu’il s’agit d’une violation de l’article L. 1121-1 du code du travail, selon lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Surtout, la Cour rappelle que le salarié exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée. Par conséquent, les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance étaient attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens.
Source : Yves Nicol avocat Lyon droit du travail. Cassation sociale 23 juin 2021, n°19-13.856