Cadre dirigeant : l’êtes-vous vraiment ?

Le statut de cadre dirigeant est en général donné au cadre de direction de haut niveau. Celui qui fait partie du comité de direction ou d’une manière générale du premier cercle de direction de l’entreprise.

Dommage pour lui, la législation relative à la durée du travail ne s’applique pas au cadre dirigeant.

Conformément aux dispositions légales (Code du travail, article L.3111-2), ce cadre est totalement exclu des dispositions relatives à la durée du travail, c’est à dire qu’il ne pourra jamais décompter son temps. Par exemple, les règles relatives  la durée maximale journalière ne s’appliquent pas au cadre dirigeant. Il ne pourra non plus jamais revendiquer le paiement d’heures supplémentaires, de majorations d’heures de nuit, de dimanches ou jours fériés travaillés…etc. Cependant,  il a droit aux mêmes congés payés que les autres salariés.

Sur le principe, c’est donc proche du cadre au forfait, sauf qu’ici il n’y a pas la contrainte d’une convention de forfait détaillée et précise dans le contrat de travail. Et surtout, pour un cadre dirigeant,  il n’y a pas d’obligation, pour l’employeur, d’assurer le suivi et le contrôle régulier de la charge et de l’amplitude de travail (condition impérative de validité du forfait). Rappelons que, pour un cadre au forfait,  si l’employeur n’assure pas ce suivi, permettant de remédier à une éventuelle surcharge de travail, il y a alors nullité du forfait d’après la jurisprudence la plus récente.

Le cadre dirigeant reste un salarié, mais sa rémunération est vraiment à considérer comme forfaitaire, quel que soit l’investissement personnel, les nuits, les WE passés à travailler.

Le contrat de travail mentionne impérativement cette classification de cadre dirigeant et ce que cette classification implique.

Des contentieux fréquents

Mais très souvent, ce statut de cadre dirigeant est purement artificiel et cosmétique. Il peut ne correspondre à aucune réalité et être mis en place uniquement pour le confort de l’employeur.  Il peut se produire que le cadre n’a en réalité strictement aucun pouvoir de direction et n’est qu’un exécutant de très haut niveau, le donneur d’ordre étant le dirigeant lui même.

Lorsque les ruptures de contrat de travail sont conflictuelles, le contentieux s’oriente alors forcément pour partie sur ce terrain. Si le salarié peut démontrer que ce statut de cadre dirigeant était artificiel, alors cela ouvre la voie à de nombreuses réclamations, relatives à tous les droits et avantages divers dont il n’a pas bénéficié. Au total cela peut vite chiffrer.

L’employeur risque le paiement de toutes les heures et majorations dues au delà de 35 heures, sur une période de trois ans (prescription triennale, Code du travail article L.3245-1).

Nouvelle décision en mars 2023

Une décision récente rendue par la Cour de cassation le 23 mars 2023 précise les conditions impératives pour être véritablement considéré comme cadre dirigeant.

Ces conditions sont traditionnellement les suivantes :

  • bénéficier d’une rémunération parmi les élevées de l’entreprise,
  • avoir la réelle capacité de prendre des décisions de manière largement autonome,
  • avoir d’importantes responsabilités et une large indépendances dans son organisation.

Cependant, le sempiternel problème de l’entreprise est que ces trois critères concernent souvent beaucoup de cadres. Pas seulement les cadres dirigeants, mais également les mieux rémunérés des cadres au forfait ou certains commerciaux. C’est la raison pour laquelle la notion de cadre dirigeant est bien souvent jugée floue ou artificielle.

La Cour de cassation confirme l’existence d’un quatrième critère, qui est la conséquence des trois autres. Cette quatrième condition est la suivante : diriger l’entreprise. C’est à dire disposer du pouvoir de décider vraiment de la politique de l’entreprise dans un domaine précis , qu’il s’agisse de l’aspect commercial, industriel, économique, financier….etc..ou bien globalement.

Cette idée de « participer à la direction stratégique » était une condition déjà définie par la Cour de cassation dans de précédentes décisions depuis 2012.  Mais à présent, la notion semble se resserrer et devenir encore plus étroite.

Les cadres dirigeants sont donc plutôt le top management : directeur général, secrétaire général..etc…mais aussi d’autres cadres de haut niveau, présents au comité de direction et qui prennent vraiment des décisions et non pas seulement qui les entérinent collectivement.

Pour la Cour, si le cadre est dans l’incapacité de démontrer sa capacité à engager seul l’entreprise par sa signature, s’il ne dispose pas d’une délégation générale mise en oeuvre effectivement et si en plus sa rémunération n’est pas dans le top, ou bien qu’il ne participe pas au comité de direction, alors il ne doit de toutes façons pas être cadre dirigeant.

Bien sûr ce n’est qu’ au cas par cas qu’il faudra évaluer la réalité du statut de cadre dirigeant avant de déterminer si cette classification est un fake ou non.

Source : Cassation sociale 23 mars 2023, n°21-21.632. Cassation sociale 31 janvier 2012, n° 10-24.412. Code du travail article L.3111-2. Code du travail article L.3245-1. Yves NICOL avocat Lyon droit du travail novembre 2023

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