La dénonciation interne de faits de harcèlement moral par un salarié peut se produire en entreprise. Dans cette situation, que doit faire l’employeur ?Depuis pas mal d’années, il existe des procédures internes pour trouver des solutions. Souvent même des chartes internes, apportant des solutions et des modes opératoires face à tous les problèmes dits éthiques.
Mener une enquête est la première des choses à faire en principe. D’où l’intérêt de prévoir les modalités d’une telle enquête, qui doit être aussi rapide qu’impartiale et précise. Comité d’éthique interne comprenant des élus, Direction des Ressources Humaines….etc…tout est possible tant que les auditions et investigations sont sérieuses.
Trois points de droit à avoir en tête :
1/- Un salarié ne peut pas être licencié pour voir dénoncé des faits de harcèlement moral. (Code du travail article 1152-2). Un licenciement notifié sur ce fondement serait nul.
2/- Seule la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation des faits pourra mettre fin cette immunité et entraîner le licenciement. (Voir Cassation sociale 19 octobre 2021). Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur ce point. Mais disons tout de même que c’est à l’employeur de rapporter la preuve de cette mauvaise foi.
3/- Délai pour agir : attention, il y a prescription des faits fautif au terme d’un délai de de deux mois. Selon les dispositions de l’article L.1332-4 du Code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner à lui seul l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance… ».
Précisément, sur ce dernier point, dès lors qu’une enquête interne est réalisée sérieusement, ce n’est qu’au terme de cette enquête que l’employeur peut avoir véritablement connaissance des faits. Le délai de deux mois ne va donc pas courrier à compter de la dénonciation mais à compter du moment où l’employeur a été véritablement en mesure d’avoir connaissance des faits.
Alors justement, un arrêt très récent de la Cour de cassation, en date du 14 février 2024, fait réfléchir.
Ici, une directrice d’établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes avait été dénoncée par écrit en interne par plusieurs salariés. Cette directrice se voyait reprocher un mode de gestion inapproprié, de nature à dégrader les conditions de travail, à impressionner et à nuire à la santé des collaborateurs, caractérisant un comportement fautif.
Sans engager une enquête interne après réception des courriers, l’employeur avait décidé de licencier pour faute grave. La Cour d’appel avait dans un premier temps donné raison à la directrice licenciée, considérant le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence d’enquête.
Mais la Cour de cassation a au contraire validé le licenciement pour faute grave, considérant que l’absence d’enquête ne faisait pas obstacle à ce licenciement.
Surprenant sans doute. Mais peut-être pas tant que cela si le dossier à charge était suffisamment accablant pour la salariée. En effet, l’employeur produisait dans son dossier un courrier des délégués du personnel signé par 35 salariés sur 60, deux attestations de délégués du personnel et quatre courriers de salariés.
La charge de la preuve incombe à l’employeur. Cette preuve était apportée, même sans enquête interne.
Source Yves Nicol avocat Lyon droit du travail février 2024. Cassation sociale 19 octobre 2021, n° 10-16.444; Cassation sociale 14 févier 2024, n°22-14.385